Agence européenne, Défense et Dark Blade

L'anniversaire de l'Agence européenne de défense (AED) est à l'origine de l'importante communication dont elle faisait preuve dans son magazine European Defence Matters. Après un aperçu des réalisations de ses 15 années d'existence, l'occasion nous est donnée de revenir sur cette agence dont la taille est inversement proportionnelle à son importance stratégique. L'exercice international Dark Blade, qui impliquait le 1 Wing Tactique en avril dernier, est la parfaite illustration d'une réalisation concrète des objectifs de cet organisme.
Création et missions
L'acte de naissance de l'European Defence Agency date du 12 juillet 2004. Sa mission est d'aider les 27 États membres de l'UE (à l'exception du Danemark) à développer leurs ressources militaires. L'agence a également conclu des accords avec des pays non membres de l'Union tels que la Norvège, la Serbie, la Suisse et l'Ukraine.
Les 140 employés de l'agence s'attèlent à soutenir des projets coopératifs en matière de défense et favorisent la collaboration entre les États dans les domaines des capacités de défense. L'AED renforce également l'industrie européenne de défense en tant que facilitateur et intermédiaire entre les acteurs militaires et les politiques de l'UE.
Selon Javier Solana, premier dirigeant de l'AED entre 2004 et 2009, son rôle est d'autant plus renforcé depuis que l'UE a adopté une stratégie globale faisant de son autonomie stratégique un objectif fondamental au sein d'une industrie européenne de défense durable, innovante et compétitive.
PESCO et EDA
La PErmanent Structured COoperation (PESCO ou Coopération Structurée Permanente - CSP) est un processus en matière de sécurité et de défense engageant les signataires à mieux gérer leur budget de défense. Cela, en évitant les duplications de capacités et en travaillant davantage en coopération sur des projets industriels, capacitaires ou opérationnels. Toujours selon Javier Solana, la PESCO et l'EDA sont inextricablement liées, de nombreux projets PESCO nécessitant un appui direct de l'EDA. Cette complémentarité se traduit d'ailleurs institutionnellement : l'EDA fait partie du secrétariat PESCO.


Dark Blade 2019
Treizième édition de l'Helicopter Exercice Program (HEP) organisé par l'EDA, Dark Blade 2019 a pour objectif l'entraînement conjoint et à grande échelle de la capacité hélicoptère des pays participants. L'entraînement vise particulièrement les pilotes quant à la conduite d'opérations aéroportées ou d'opérations dans lesquelles l'hélicoptère constitue un atout de premier plan.
Genèse
« La genèse de l'Helicopter Exercice Program provient du constat d'un manque de standardisation des procédures entre les pays européens lors d'opérations internationales telles que celles menées en Afghanistan, » expliquait le major aviateur Reza Vandenbrouck affecté à l'organisation de l'exercice. « Favoriser les opportunités entre les différentes nations afin d'accroître une standardisation visant le renforcement de l'efficacité internationale cadrant avec les objectifs de l'EDA, il tombait sous le sens que l'agence chapeautait l'HEP. »
« Le Programme d'Exercice Hélicoptère (HEP) de l'agence est celui qui remporte le plus de succès. Il permet, entre autres, de concentrer un grand nombre d'appareils et permet aux commandants successifs de cette manœuvre d'intégrer des moyens dont ils ne disposent pas au niveau national », poursuivait-il. Ces derniers vont de pair avec l'acquisition d'expériences dans le pilotage. L'exercice du commandement constituant, quant à lui, la deuxième des plus-values de l'entraînement.


Déroulement de l'exercice
L'édition 2019 eut la particularité d'intégrer des hélicoptères d'attaques de type MI-24. Au plus fort de l'exercice, 1 200 militaires issus de six nations étaient impliqués : Allemagne, Belgique, Hongrie, Pologne, Slovaquie ainsi que la République tchèque, pays hôte. Au total, 25 Air Assets (21 hélicoptères et 4 avions) étaient concentrés sur la base aérienne de Namest proche de Brno en République tchèque.
L'exercice comportait plusieurs phases. La première consistant en des périodes d'entraînement au niveau national afin de permettre aux pilotes d'apprivoiser le terrain tchèque. Des exercices internationaux de faible ampleur suivaient les premiers entraînements pour se complexifier ensuite. « La grande difficulté est rencontrée au cours de la dernière semaine lorsque nous menons des opérations nocturnes. Ces types d'opérations sont conduites lorsque nous avons la supériorité technologique sur l'ennemi mais que celui-ci bénéficie néanmoins de moyens de lutte efficace contre la capacité hélicoptère », précisait le major aviateur Nicolas Couke, commandant du détachement belge au sein de ce dispositif.
Doctrine
COMAO ou Composite Air Operation est l'acronyme doctrinal du programme d'entraînement hélicoptère. Il exprime des opérations combinées (mêlant différents types d'appareils), conjointes (alliant des éléments des forces aériennes, terrestres et navales), réalistes et dans un environnement à apprivoiser (forêts, plaines, déserts, plages, montagnes ou marécages selon les éditions). Les COMAO successifs permettent aux formations internationales d'appliquer et de peaufiner leurs techniques, leurs tâches et leurs procédures. Elles impliquent également du tir à munitions réelles et divers personnels au sol.
Dans cette édition, les nations participantes engageaient deux équipages par appareil leur permettant de piloter une opération sur deux mais aussi de faire voler les machines tous les jours. Lorsqu'ils ne volaient pas, les pilotes préparaient les missions à venir qu'ils découvraient selon des timings calculés. Si des moyens n'étaient pas employés pour une mission COMAO, le temps était rentabilisé pour remplir des objectifs nationaux tels que des vols aux instruments ou du tir.
Illustration d'un exercice
Pour mener à bien des opérations d'un tel niveau de complexité, de nombreuses heures furent nécessaires aux pilotes et aux équipes techniques afin de se préparer. Jusqu'à deux opérations d'une telle ampleur furent organisées quotidiennement afin d'accroître l'interopérabilité tactique des éléments européens.
Le mercredi 22 mai dernier, la totalité des moyens belges engagés étaient concernés par un entraînement de type Combat Search and Rescue. La mission principale était dévolue à deux NH90 TTH belges (Tactical Transport Helicopter). Dans un premier temps, l'objectif était de récupérer un groupe de prisonniers de guerre ainsi que leurs gardiens. Dans un second, les hélicoptères engageaient dans la même zone des unités de recherche tchèques accompagnées de chiens pisteurs. Parallèlement une formation de cinq hélicoptères composée de quatre appareils MI17 (deux de l'armée hongroise et deux de l'armée tchèque) menaient une opération de diversion en déployant 77 fantassins tchèques dans une zone distincte afin de leurrer l'ennemi. Le commandement de cette formation était assuré par l'un des A109 belges. L'ensemble de l'opération aéroportée était soutenu par quatre hélicoptères de combats de type MI24 (tchèques et hongrois). La conduite globale de l'opération était assurée par un officier hongrois embarqué à bord d'un deuxième A109 belge. Durant le déroulement de l'opération, le troisième hélicoptère A109 de la 17 escadrille (1 Wing de Beauvechain) se tenait prêt à assurer les évacuations médicales le cas échéant.