« La jungle, ce n’est pas le bois de la Cambre »

L'article « Le fait de s'entraîner au Gabon représente une certaine plus-value », démontrait l'utilité de s'entraîner dans certaines contrées pour être prêt à intervenir dans d'autres. Notre rédaction n'a pas manqué de compléter ces premiers témoignages en cédant la parole à quelques hommes du 2 Bataillon de Commandos qui, au détour de containers, palettes et autres caisses de matériel, s'apprêtaient à rentrer en Belgique. L'exercice Tropical Storm terminé, l'heure était au bilan.
Texte publié dans le magazine électronique de la Defense 🇧🇪 | 2019 | 📸 Daniel Orban
Le 1er soldat Julien n'avait encore jamais mis les pieds sur le sol africain depuis ses débuts à la Défense voici quatre ans : « C'est une expérience particulière et exceptionnelle. » Julien est volontaire mais il est surtout adjoint de section dans un peloton de commandos. Sa fonction est d'assister le sous-officier chef de section.
Le 1er soldat Julien n'avait encore jamais mis les pieds sur le sol africain depuis ses débuts à la Défense voici quatre ans : « C'est une expérience particulière et exceptionnelle. » Julien est volontaire mais il est surtout adjoint de section dans un peloton de commandos. Sa fonction est d'assister le sous-officier chef de section.
« Certains collègues avaient déjà vu Kindu ou Kinshasa mais les entraînements s'orientaient davantage vers la marche sans aborder vraiment la tactique. Ici, nous nous y sommes mis réellement par le biais d'actions directes sur un objectif en milieu tropical. Cela nous changeait complètement. Tout le monde en a profité dans la section. »
En Tchéquie, j'avais expérimenté le fast roping (insertion par hélicoptère et descente au moyen d'une corde). Julien poursuit : « La chaleur avoisinant les 30 degrés et l'humidité à 80 % génèrent de nouvelles contraintes. En Tchéquie, c'était le froid. Ici, il y a toute la faune et un fittingparticulier du matériel. Cela permet d'accroître mes capacités professionnelles. »
Les activités menées par la section du 1er soldat Julien ont été nombreuses. Elles ont commencé par quatre jours d'acclimatation : « Nous nous entraînions, faisions du sport, préparions le matériel et son fitting. » Étant donné que le peloton accueillait cinq recrues récemment affectées, « il fallait commencer par les entraîner et leur transmettre la base de notre métier. »
Julien poursuit : « Après, on a participé à une première mission à Mouila, une ville située à huit heures d'ici. C'était une action directe comprenant deux jours sur le terrain et une nuit au milieu de la jungle. » Julien et ses collègues ont participé ensuite à 2 jours de stage au CAOME (Centre d'Aguerrissement Outremer et Étranger de l'armée française). « Ce n'était pas suffisant » témoigne l'adjoint de section. En effet, ce dernier aurait souhaité approfondir l'entraînement qui découle des nouveaux acquis. Suite à ce stage, une seconde opération était encore menée par le bataillon.
Pour conclure ? « À mon niveau, c'était une manœuvre moderne. Les actions directes étaient vraiment calquées sur les opérations actuelles. Le boulot était vraiment génial, notamment par l'utilisation d'hélicoptères et de bateaux Zodiac du Génie. L'ensemble a fait que c'était l'une de mes plus belles manœuvres. »

Pain béni
Les jeunes recrues sont peut-être enthousiastes mais les militaires expérimentés le sont tout autant, comme en témoigne le lieutenant Nicolas.
Arrivé en 2004 au 2 Bataillon de Commandos en tant que volontaire, sa carrière a évolué vers celle de sous-officier. Il a ensuite encore gravi les échelons récemment car il terminait sa formation d'officier voici quelques mois. « Une telle manœuvre est du pain béni. Peu d'hommes ont la chance de voir ce qu'on a vu et de faire ce genre de choses. Nous nous sommes rendus dans la jungle en ayant également des contacts avec les civils. Nous avons emprunté différents moyens de l'armée : bateaux, hélicoptères, fast roping et mises en place par sauts en parachute. »
« Lorsqu'on parcourt l'année écoulée au bataillon, nous sommes allés en Jordanie afin de nous aguerrir aux techniques de contre-terrorisme, puis en Corse pour marcher et sommes aujourd'hui au Gabon. J'oubliais une période intermédiaire d'OVG (Operation Vigiliant Guardian). » Selon le lieutenant, une telle année a un impact positif sur la motivation du personnel.
Le lieutenant Nicolas s'est réjoui de son expérience avec l'armée gabonaise. « Je suis parti trois jours avec eux en tant qu'officier de liaison. J'étais isolé et ai participé à une opération spéciale en leur présence. J'en ai certainement appris plus d'eux que l'inverse. Au niveau du terrain, notamment, parce que la jungle ce n'est pas le bois de la Cambre. On ne travaille pas de la même manière. En Europe, on peut s'octroyer de larges dispositifs pour progresser. Impossible dans la jungle ! Les Africains n'y rentrent même pas. Cela fourmille d'araignées et de serpents. Lorsqu'on y pénètre, on fait du bruit et on risque de laisser des hommes au tapis. Ils progressent donc très rapidement et filent sur les chemins presqu'en courant. Ils exécutent leur mission puis se retirent très vite. »
Et le lieutenant de conclure : « Il y en a qui regardent National Geographic et vivent leurs aventures par procuration. Quand on dresse le bilan de cette année, il y a moyen d'en vivre de belles à la Défense. »

Le chef de corps n'est pas en reste
« Le premier point positif est le fait d'avoir pu participer à l'exercice sur le continent africain car ce mode d'entraînement n'est pas reproductible », explique le lieutenant-colonel Frédéric Linotte.
Le 2 Bataillon de Commandos étant un bataillon de réaction rapide, ce genre d'entraînement est vital car il permet de découvrir les contraintes du climat et les vicissitudes de la vie en Afrique. De ce fait, les militaires ne seront pas entravés le jour où ils seront confrontés à une opération réelle pour laquelle ils ne disposent alors que de quelques heures, voire quelques jours maximum pour se déployer et effectuer l'opération.
Les nombreux appuis reçus constituent également un point positif dans cette manœuvre. Les appareils (avions C130 et hélicoptères NH90 et A109) ainsi que les moyens amphibies ont permis d'exécuter des procédures de mises en place grandeur nature.
Le seul regret formulé par le lieutenant-colonel a trait au service de la flotte des C130 qui s'avère trop aléatoire. Bien que le chef de corps soit tout à fait conscient de la façon dont les équipes techniques se dévouent afin de permettre à cet outil vieillissant de voler, les pannes en restreignent l'opérationnalité.
Utiliser le bataillon à la mesure de ses compétences
Le 2 Bataillon de Commandos sort d'une période de 22 mois sans grand renouvellement de personnel. Les départs n'ayant pas été compensés, comment accroître dès lors l'attractivité du bataillon ? « Pour motiver le jeune personnel, il faut utiliser le bataillon à la mesure de ses compétences sur un théâtre d'opération qui permet aux commandos de pouvoir faire leur métier comme le font les aviateurs et les marins. C'est ce qui manque chez nous. » Nul doute qu'après Tropical Storm, les hommes du 2 Bataillon de Commandos sont prêts à l'engagement.