Les Lanciers en Lituanie

Le détachement eFP 18/09 achevait sa mission fin novembre. Retour sur la composition du détachement et les exercices majeurs qui auront ponctué cet engagement.
Texte publié dans le magazine électronique de la Défense 🇧🇪 | 2019 | 📸 Vincent Bordignon
En juillet 2016, lors d'un sommet de l'OTAN organisé à Varsovie, décision fut prise de renforcer la capacité défensive des trois pays baltes (Estonie, Lettonie, Lituanie). La mission OTAN enhanced Forward Presence (eFP) se concrétisait ensuite par l'envoi de bataillons multinationaux (Battle Group, BG) dans chacun des États baltes. Leur force varie de 1 200 à 1 500 militaires. Pour chacun de ces États, une nation cadre (Framework Nation) assume le commandement d'un Battle Group (groupement tactique) : l'Angleterre commande le BG de l'Estonie, le Canada celui de la Lettonie et l'Allemagne celui de la Lituanie. Chaque Battle Group est engagé avec les partenaires de l'OTAN et en étroite collaboration avec les nations hôtes. Les états-majors niveaux corps et division de la mission eFP sont déployés en Pologne. Les États-Unis commandent ces niveaux décisionnaires.

Origines de l'opération eFP
Depuis fin août 2018, le détachement eFP 18/09 était piloté par le Bataillon 1/3 Lanciers de Marche-en-Famenne qui engageait une compagnie d'infanterie motorisée en Lituanie, renforcée, entre autres, par un peloton de reconnaissance luxembourgeois. Aux côtés d'une compagnie néerlandaise et d'une tchèque, ils étaient sous les ordres du lieutenant-colonel Braun (Allemagne), commandant du 393 Bataillon Blindé (Armoured Battalion). Ensemble, ces unités formaient le Battle Group lituanien et devenaient, le temps de leur déploiement, une sous-unité de la Brigade lituanienne Iron Wolf.
eFP et Iron Wolf
« La mission eFP est une opération de dissuasion orientée vers la Russie » expliquait le commandant Bourgeois, chef du détachement. « Pour rendre effective cette dissuasion, la meilleure solution est d'afficher sa présence, mettre ses moyens en évidence et démontrer son état de préparation. »
Manœuvrer les militaires allemands, belges, lituaniens, néerlandais et tchèques n'est pas chose aisée. Des périodes d'entraînements conjoints étaient, dès lors, régulièrement programmées. Elles étaient évaluées par les états-majors nationaux et internationaux. Les deux exercices principaux du déploiement eFP 18/09 furent baptisés Beowulf pour le premier et Iron Wolf pour le second.
Même si la tâche principale de ce déploiement opérationnel était l'entraînement, la présence de l'OTAN ne relevait pas d'une quelconque figuration. En effet, la plupart des pays participants ne lésinent jamais sur les moyens et les matériels déployés. Il y va de la crédibilité des nations participantes en général mais aussi de celle de l'OTAN en particulier.
Beowulf
Durant l'exercice Beowulf « le Battle Group entraînait deux de ses compagnies renforcées de tous leurs appuis », expliquait le commandant Bourgeois. Et de poursuivre : « Les compagnies s'affrontaient selon des plans établis par les commandants de compagnie, ce qui rendait l'exécution de l'exercice imprévisible. À cela s'ajoutait l'intention du commandement allemand de notre bataillon multinational d'évaluer le travail des unités belges et notre interopérabilité dans ce contexte multinational. »
La compagnie belge souffrait d'un manque d'entraînement commun entre ses éléments de combat et ses appuis (CIS, médical, génie, logistique, peloton Scout et artillerie). Il y avait aussi un manque d'entraînement entre les détachements internationaux et le détachement belge. Cela en raison de l'absence du détachement complet lors d'entraînements internationaux préparatoires au déploiement.
Carte d'identité du détachement eFP-LTU 18/09 et de ses appuis
Le détachement était articulé autour d'une compagnie du Bataillon 1/3 Lanciers renforcée d'appuis issus de plusieurs unités : une section du Bataillon d'Artillerie de Brasschaat, un peloton de reconnaissance luxembourgeois ainsi que des éléments du Génie. Ces éléments formaient la Compagnie Delta du Battle Group.
Le 3 Élément Médical d'Intervention (3 EMI) de Marche-en-Famenne assurait l'appui médical des Belges mais s'inscrivait dans une perspective plus large dans laquelle toutes les unités médicales du Battle Group étaient concentrées et interopérables.
Le 4 Bataillon Logistique de Marche-en-Famenne (4 Bn Log) engageait des moyens nationaux indispensables pour maintenir l'opérationnalité du matériel déployé. Mécaniciens, transporteurs de véhicules, fournisseurs en carburant, en pièces détachées et en munitions composaient l'essentiel du détachement. La collaboration internationale est ici également la norme. « La plupart du temps, nous interagissons avec nos collègues allemands et tchèques, » précisait un mécanicien. « Par rapport à nos propres stocks sur place, ils ont davantage de pièces de rechange sur le théâtre d'opération. Leur réactivité pour recevoir le nécessaire depuis leur pays est également plus rapide que la nôtre », déplorait-t-il.
Le 6 Group CIS de Peutie déployait également une équipe de six personnes. Elles se relayaient en permanence pour assurer la pérennité des différents réseaux informatiques : le réseau militaire standard, le réseau secret, les réseaux OTAN ainsi que les interactions avec les réseaux informatiques allemand et lituanien.
Le matériel roulant des éléments de combat se composait de Piranha DF30 (3), de Piranha DF90 (6), de Piranha Fus (10) et de HUMVEE luxembourgeois (4).
Iron Wolf, autre exercice majeur du contingent enhanced Forward Presence
Iron Wolf était à la fois le nom de la brigade lituanienne au sein de laquelle le Battle Group eFP de l'OTAN était rattaché mais aussi le nom d'un exercice de grande ampleur pour toutes les sous-unités de cette même brigade. Pour l'exercice, 1500 personnes et 400 véhicules formaient la force alliée du contingent belge. En opposition, l'ennemi rassemblait des troupes anglaises, canadiennes, estoniennes, italiennes et lituaniennes selon un déploiement de forces équivalentes.
Onze jours durant, la Compagnie Delta s'enfonçait à nouveau dans les forêts lituaniennes de la région de Pabradè, afin d'y mener une série d'opérations défensives et offensives dans un contexte de guerre conventionnelle. Passant d'une position défensive à l'autre, on sentait les hommes tendus et concentrés : « On s'attend à un ennemi fort », expliquait un sous-officier. « Notre mission consiste à obtenir des délais puis à se retirer sous la pression de l'ennemi. »
Le sergent Allan ajoutait : « Au milieu des bois, on ne saisit pas toujours l'ampleur de l'exercice. Lorsque la nuit, on entend les drones d'observation survoler nos positions pour accroître notre protection ou encore lorsqu'on aperçoit des chars Léopard 2 nous soutenir, on saisit l'énormité des dispositifs. C'est surtout lorsqu'on fait le plein que l'on peut constater l'ampleur du déploiement. »
« Nous ressentons une différence de moyens face aux autres nations », expliquait un autre gradé. « Nos véhicules sont beaucoup plus limités sur le terrain que ceux de nos alliés. Pourtant, nous tenons tactiquement la route. Je le constate lorsque j'assiste aux débriefings internationaux. »
« L'expérience, grâce aux moyens déployés sur place et la conduite de la bataille en collaboration avec les autres nations, est l'énorme plus-value de ce déploiement », expliquait encore Gaetan, sous-officier de l'état-major compagnie.
Après Iron Wolf
Iron Wolf aura été le dernier grand exercice du détachement eFP 18/09 piloté par le bataillon au béret noir. Des entraînements de moindre ampleur furent menés jusqu'aux fêtes de fin d'année passées en famille.
eFP en Estonie
D'autres déploiements eFP sont programmés. En ce début 2019, une compagnie de Chasseurs Ardennais est déployée en Estonie. Le Bataillon Libération / 5 de Ligne sera également engagé. Par ce biais, la Belgique honorera à nouveau son adhérence au sein de l'OTAN et maintiendra sa réputation de partenaire fiable au sein de cette Alliance.