Les unités d’appui intègrent la Brigade Motorisée
La Brigade Motorisée parachevait sa réorganisation ce 22 novembre 2018, soit un an jour pour jour après la prise de décision du général-major Marc Thys, chef de la Composante Terre. Selon la doctrine actuelle de l'OTAN, cette unité dite de base est désormais forte de 13 bataillons. Elle devrait encore se renforcer grâce à l'intégration prochaine des camps de Marche-en-Famenne et de Bourg-Léopold.
Texte publié dans le magazine électronique de la Defense 🇧🇪 | 2019 | 📸 Malek Azoug
« Le péril approchait, leur brigade était prête » (Pierre Corneille)

Cette année 2018 aura amené de grands changements à la Composante Terre, notamment avec la création du (SOR) et de la Brigade Médiane devenue Brigade Motorisée intégrant désormais ses unités d'appui (CS) et d'appui au combat (CSS). À la tête de cette structure : le colonel Jean Crucifix. Il s'est prêté au jeu de l'interview afin de communiquer sur son unité, ses défis et les changements opérés.
- Pourriez-vous revenir sur l'ancienne organisation ? Pourquoi a-t-on retiré les unités Combat Service Support (CSS) et Combat Support (CS) du niveau brigade si c'était pour les remettre sous commandement brigade quelques années plus tard ?
« L'organisation que nous venons de quitter était complètement adaptée aux ambitions de la Défense au moment de sa mise en place », amorce le colonel Crucifix. « Elle était parfaite pour répondre au mode de projection tactique des unités de la Composante Terre.
« Sortir les unités CS et CSS des brigades était une réponse à un besoin de l'époque », explique-t-il. « Nous avions créé des détachements ad hoc dans leur composition et leur importance. Ils étaient « montés » de toute pièce pour répondre aux besoins spécifiques des déploiements successifs dont le niveau était généralement inférieur à celui d'un bataillon. »
Durant cette période, le niveau brigade était plus un pourvoyeur de forces alors que la doctrine conjoncturelle fait de l'échelon brigade l'entité opérationnelle de base. « Les interventions chirurgicales telles qu'on les a connues ces dernières années appartiennent peut-être et malheureusement au passé. » C'est un changement de paradigme. « Nous passons d'une logique d'efficience vers une logique d'efficacité. C'est important comme nuance et cette transition est dictée par le contexte actuel. Il y a quelques années, il était impensable d'écraser une mouche avec un marteau. Or, on revient à une doctrine de masse avec le besoin croissant d'effets combinés. »

Nous revenons à une doctrine de masse avec le besoin croissant d'effets combinés.
« La situation politique globale, et de celle de l'Europe en particulier, est en train d'évoluer. Désormais la Composante Terre doit être capable de répondre à trois défis avec un seul jeu de forces. Premièrement et comme dans le passé : « rester capable d'engager des contingents taillés sur mesure pour des opérations extérieures ». En d'autres termes, maintenir l'expertise de déploiements plus petits et adaptés à la mission. Deuxièmement : « pouvoir faire face à la menace terroriste sur le territoire. Troisièmement : « prévenir des conflits de haute intensité dont la probabilité s'intensifie », explique Jean Crucifix.
Pour être capable de répondre à ce triple défi, l'adaptation de l'organisation de la Composante Terre était une étape logique qui, de plus, faisait écho à la stratégie OTAN dont le niveau brigade constitue le socle. « Une Brigade Motorisée est un outil tactique d'importance stratégique d'autant plus que la Belgique n'en a qu'une seule. »

- Cette intégration d'unités au sein de la Brigade Motorisée va-t-elle provoquer un bouleversement au niveau de votre état-major ? À quels défis sera-t-il confronté ?
« L'état-major de la brigade a toujours été un état-major interarmes », précise son commandant. « Les compétences d'une conduite interarmes des opérations ont toujours été présentes. Le défi se situe plutôt au niveau des unités qui vont avoir l'occasion et l'opportunité de se redécouvrir. C'est un point sur lequel je suis confiant. »
La raison d'être de la brigade nouvellement organisée « est de permettre aux militaires de vivre, de penser et de s'entraîner ensemble pour, à terme, être déployés conjointement. En procédant de la sorte, on génère des automatismes et le travail s'effectue de manière plus implicite. À l'avenir, cela évitera de préparer tout redéploiement par la création d'une collaboration partant de zéro. »
La raison d'être de la brigade nouvellement organisée « est de permettre aux militaires de vivre, de penser et de s'entraîner ensemble pour, à terme, être déployés conjointement.

« Le défi principal de l'état-major sera la gestion première de 13 bataillons qui en comptera deux de plus par la suite. L'administration du personnel est un défi. Le recrutement en est un autre tout aussi important », martèle le commandant de brigade. « C'est bien de recréer une brigade interarmes, encore faut-il fournir les bataillons en personnel. »
« Le défi principal de l'état-major sera la gestion première de 13 bataillons qui en comptera deux de plus par la suite. L'administration du personnel est un défi. Le recrutement en est un autre tout aussi important », martèle le commandant de brigade. « C'est bien de recréer une brigade interarmes, encore faut-il fournir les bataillons en personnel. »
« Pour leur gestion, j'ai besoin d'un personnel de qualité. C'est un appel que je lance aux officiers ayant quelques années d'expérience. Transiter par le niveau brigade est une plus-value. Un passage par l'état-major de la Brigade peut également donner l'occasion de relancer la carrière de certains officiers ou sous-officiers. Il faut oser en parler. Je suis convaincu que l'organisation doit offrir une seconde chance à ceux qui, parfois, ont rencontré des difficultés d'autant que nous ne pouvons pas nous offrir le luxe de « gaspiller » notre personnel. Je reste très attaché à cette idée et connais quelques réussites dans ce domaine.
« L'état-major de la Brigade Motorisée reposera sur deux piliers : un pilier Nord à Bourg-Léopold et un pilier Sud à Marche-en-Famenne où se trouveront le fanion de la brigade et son commandant », explique le colonel Crucifix. « Mon état-major se compose de 170 ETP. Je trouve ce nombre suffisant car je reste persuadé qu'il est possible de faire fonctionner l'état-major brigade avec ce personnel réparti sur deux piliers pour le command and control. »

- Le commandement a décidé de réorganiser la Brigade Motorisée en 2018. Qu'en est-il de l'entraînement des bataillons dans cette perspective de travail interarmes ?
Bien que la brigade soit en cours de réorganisation, deux périodes d'exercices axées sur la tactique interarmes ont été conduites durant le premier semestre 2018. Notamment à Grafenwöhr (Allemagne) durant le mois de mai « où j'ai pu observer l'entraînement d'unités combinées et constater leur évolution. J'ai la volonté de poursuivre ce type de démarche en 2019 lors de deux exercices brigade qui s'étaleront sur une période de trois semaines au lieu de deux, et ce afin de « booster » l'efficacité et l'excellence des unités. »
La seconde période d'entraînement ayant impliqué intimement des unités fut l'exercice de certification Quick Lion au profit du contingent de l'European Union Battle Group. Dans le courant 2019, deux exercices se dérouleront tantôt à Bergen, tantôt à Grafenwöhr (Allemagne), auxquels s'ajoutera un exercice sur terrain civil en septembre qui intégrera des unités belges et françaises.

- Les unités d'appui (CS) et d'appui au combat (CSS) ayant intégré la Brigade Motorisée, qu'en est-il de l'appui aux unités du SOR (Special Operations Regiment) ?
« Les appuis destinés aux unités SOR sont intégrés dans les unités CS et CSS de la Brigade Motorisée », confirme le colonel Crucifix. Des Service Level Agreement (sorte de conventions de travail) sont en cours de rédaction mais dans mon esprit, je ne peux et ne veux faire de l'obstruction au bon entraînement du SOR », affirme-t-il. « Nous devons juste synchroniser nos agendas. »
« Le commandant du SOR est mon alter ego », poursuit-il. « Nous faisons partie de la même équipe et devons tous deux tirer la charrue dans la même direction. D'ailleurs SOR et Brigade Motorisée sont interdépendants. Ni son unité ni la mienne ne sont autonomes dans le spectre des effets que nous sommes en mesure de produire. L'interdépendance et la combinaison de nos effets est donc une nécessité. Ce qui pourrait nous arriver de mieux serait d'être enfin engagés dans une opération combinant l'ensemble de nos moyens. »
Le Special Operations Regiment et la Brigade Motorisée sont interdépendants afin de combiner leurs effets et leurs moyens.

- La brigade a subi une première transformation cette année mais nous sommes à l'aube d'une seconde plus importante encore avec l'avènement du programme Scorpion. Où en sommes-nous ?
« Pour les militaires, tout est fin prêt en ce qui concerne le programme Scorpion », amorce le colonel. « Ce qui doit être fait relève de l'échelon politique. Je fonde d'immenses espoirs sur ce programme car grâce à sa philosophie du combat collaboratif, il va nous propulser au top sur le plan technologique mais aussi sur celui d'une réflexion moderne en matière d'opérations militaires. »
La France, notre partenaire majeur, a une longueur d'avance sur le projet. Les premières unités équipées seront opérationnelles dès 2021. Entre cette date et 2025, année au cours de laquelle les unités belges seront elles aussi équipées, des officiers et sous-officiers seront en France afin d'anticiper l'acquisition du matériel et de développer le partenariat franco-belge. Ce programme est bien plus qu'un plan d'achat de matériel. Il relève aussi d'un partenariat.
- Peut-on dire que votre période de commandement sera influencée par l'intégration des changements opérés en 2018 ?
« Je serai moins un chef opérationnel qu'un chef de chantier », déclare le commandant de brigade. « Mon défi sera de construire l'outil interarmes pour le transmettre à mon successeur. J'ai d'ailleurs repris une phrase du Cid de Corneille dont j'ai fait mon crédo pour ma période de commandement : « Le péril approchait, leur brigade était prête » (Le Cid, IV, 3 de Corneille). »
« Dans le cadre d'une révision des ambitions de la Défense, on ne parle guère d'un déploiement de la Brigade Motorisée avant 2020 mais c'est à ce niveau que je veux élever tant les bataillons que mon état-major brigade. » L'intégration, le renforcement de l'état d'esprit, la préparation et l'exécution interarmes servent donc de leitmotiv aux unités de la Brigade Motorisée dicté par son commandant. Ce mot d'ordre faisant écho au concept de l'interopérabilité au sein de l'OTAN, ferment de l'efficacité dans la conduite de ses opérations...
